La ville d’Idlib sous la menace d’«une crise humanitaire sans précédent»


La région d’Idlib, située dans le nord-ouest de la Syrie, a servi de refuge à des centaines de milliers de Syriens forcés de fuir d’autres régions reprises ces dernières années par le régime. C’est aujourd’hui une zone hautement stratégique et sensible puisque contrôlée à la fois par les djihadistes de Hayat Tahrir al-Cham, les rebelles anti-Bachar soutenu par la Turquie, et l’armée régulière turque avec ses 12 000 hommes répartis au sein 12 postes d’observation. Ces derniers mois, cette zone a été le théâtre d’affrontements sporadiques entre les forces syriennes, allié des Russes, et la Turquie, faisant monter de plusieurs crans les tensions à Idlib, où la situation humanitaire s’est gravement détériorée.

Depuis le début de cette offensive, 1500 civils ont été tués alors que plus de 500 000 ont été forcés de fuir les combats mais le pire reste à venir, selon le centre de réflexion américain International Crisis Group (ICG). En effet, seulement 25% du territoire de la région a été repris par l’armée syrienne et il s’agit de la périphérie de la province. La partie la plus densément peuplée de la région, notamment sa capitale, Idlib, est encore contrôlée par les rebelles. Les conséquences d’une offensive syrienne appuyée par l’aviation russe menacent d’être catastrophiques pour la population civile, qui serait contrainte de fuir vers la Turquie.

Le régime et son soutien russe pourraient se retrouver avec ce qui serait à juste titre appelé une victoire militaire catastrophique.

Dareen Khalifa, International Crisis Group

Après les nombreux déplacements de population, la région compte aujourd’hui près de 3,5 millions d’habitants. Dareen Khalifa, spécialiste des questions de sécurité et de gouvernance en Syrie à ICG, met en garde: «Si la bataille devait se déplacer vers la partie nord densément peuplée de la poche rebelle, en particulier vers la ville d’Idlib, elle entraînera une vague massive de déplacements pouvant dépasser le million de personnes vers la frontière turque. Au risque de créer ainsi l’une des pires crises humanitaires de tout le conflit.»

La chercheuse ajoute: «Les dirigeants turcs subissent déjà de fortes pressions intérieures sur l’avenir des 3,5 millions de réfugiés que le pays accueille actuellement. Dans ces conditions, il semble difficile de savoir si Recep Tayyip Erdogan sera disposé à absorber un afflux supplémentaire, ou s’il va au contraire ouvrir les vannes de la migration illégale vers l’Europe. Éviter un tel scénario catastrophique nécessite l’établissement d’un cessez-le-feu plus durable, qui élimine, aux yeux de la Russie, la nécessité immédiate d’écraser les rebelles dans la région avec sa population civile.»

Supériorité aérienne

Car si les combattants qui s’affrontent au sol sont ceux des groupes armés syriens, de l’armée turque et de l’armée syrienne, c’est la Russie et son écrasante supériorité aérienne qui mènent la danse: «Sans le soutien des bombardements russes terriblement destructeurs, le régime syrien n’est pas en mesure de vaincre les positions rebelles bien ancrées et endurcies à Idlib. La décision de Moscou d’approuver une attaque (ou non) est donc l’élément décisif pour déterminer le sort des millions de Syriens vivant à Idlib», insiste Dareen Khalifa.

Même avec le soutien russe, une victoire du régime syrien n’est pas assurée: «Damas lutte pour contenir à la fois les troubles croissants dans les zones autrefois tenues par l’opposition dans le sud, et une résurgence de l’État islamique dans l’est. S’il décide de se lancer à l’assaut d’Idlib, le régime devra assumer le coût humain d’une telle intervention et veiller à empêcher la dispersion des insurgés vers d’autres provinces. S’il n’y parvient pas, le régime et son soutien russe pourraient se retrouver avec ce qui serait à juste titre appelé une victoire militaire catastrophique.»

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