Rachida Dati : “Vu d’où je viens, de quoi aurais-je peur ?”


Madame Figaro. – Quelle relation entretenez-vous avec Anne Hidalgo, l’actuelle maire de Paris ?
Rachida Dati.
Certains, dans ma famille politique, me reprochent d’avoir de la considération pour elle. Elle ne s’est jamais livrée à une attaque basse contre moi, ni moi contre elle. Nous avons des divergences sur le logement, la sécurité, la voiture, mais je la respecte humainement.

Rien n’a surpassé votre élection à la mairie du VIIe en 2008 ?
Le jour où j’ai été élue maire du VIIe arrondissement de Paris, je me suis dit : ils m’ont voulue, ils m’ont choisie ! Je me suis sentie légitimée, et enfin enracinée à Paris.

Parmi vos mentors, il y a eu Albin Chalandon, Marceau Long, Simone Veil…
J’ai eu la chance de rencontrer Simone Veil grâce à Édith Cresson. Elle m’avait conseillé de devenir magistrate, ce que j’ai fait. Et elle m’a offert sa propre robe de magistrate. Ce cadeau m’oblige.

Qu’y a-t-il de féministe en vous ?
Tout ! Les combats des femmes sont des combats de survie. À commencer par le combat contre les féminicides et les violences conjugales. Et je suis fière d’avoir soutenu, sous le gouvernement Sarkozy, la proposition de loi communiste sur l’éviction du conjoint violent.

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Vous fascinez les journalistes politiques depuis vos débuts, vous avez pris des coups aussi. Avez-vous été trop naïve ?
Il m’est arrivé de déraper, de trop parler. Mais j’ai été si souvent traitée comme la Beurette illégitime. Certains journalistes et certains politiques se sont bouché le nez devant mon parcours et mes origines. J’en ai tellement entendu… « Farida ? Ah non, c’est Rachida ! Oh, c’est pareil… »

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Ce mélange détonant de curiosité insatiable, d’enthousiasme, de culot, d’ambition et de candeur intrigue…
Ce qui m’a toujours gênée dans la présentation qu’on fait de mon parcours, c’est l’évocation de mon « culot », comme si j’avais été transgressive. J’ai toujours respecté les gens et les codes de la bienséance. Personne ne peut dire de moi que je me suis comportée comme une racaille. J’ai été bien élevée par mes parents et j’ai appris à tenir mon rang.

Un jour, vous avez affirmé à deux journalistes (Gérard Davet et Fabrice Lhomme, Le Monde du 21 juillet 2017, NDLR) que vous aviez l’« âme d’un grand voyou ». Ça veut dire quoi ?
Que je ne dénonce pas. Que je ne trahis pas. Je suis loyale. Mais si on me manque, je me défends.

Vous dévoriez la presse people quand vous étiez aide-soignante dans une clinique de Chalon-sur-Saône, à 16 ans ?
J’ai longtemps adoré ça. Mais à la maison, à 10 ans, je lisais les journaux que recevait mon père : La Vie ouvrière, le journal de la CGT, et L’Humanité. Ça me parlait. Je sentais confusément qu’un combat est intéressant quand il est collectif.

Pourquoi n’êtes-vous pas devenue une femme de gauche avec cet environnement social et culturel ?
J’aurais pu, d’autant que dans ma cité on bénéficiait des vacances et de l’encadrement mis en place par les communistes. À propos du vivre-ensemble, comme on dit, j’en ai beaucoup voulu à SOS Racisme. La marche pour l’égalité en 1985 s’est transformée en marche des Beurs. Je leur ai dit qu’on ne voulait pas de leur droit à la différence, qu’on ne voulait pas être différents !

Vous êtes en train de me dire qu’à 18 ans vous étiez de gauche mais que la gauche mitterrandienne de gouvernement et ses satellites associatifs vous ont dégoûtée de la gauche ?
Quand même pas ! Mais la gauche n’avait pas, n’a toujours pas, le monopole de l’aspiration au vivre-ensemble ! Je ne veux pas apprendre aux gens à être assistés ou victimisés, je veux qu’on les aide à être autonomes ! Avec l’accès à la culture, à la langue française, c’est ça la grandeur de la République pour moi.

Une femme présidente de la République en France, c’est possible ?
Je pense que tout est possible.

Y avez-vous pensé ?
Jamais ! Mais je ne pensais pas être ministre quand je suis entrée au cabinet de Nicolas Sarkozy. Je voulais aller au Conseil d’État, pas être garde des Sceaux.

Vous qui ne voulez pas gouverner, qu’est-ce qui vous gouverne ?
La volonté farouche d’être libre, le désir de mener un combat lié à la théorie du ruissellement : faire profiter de mes acquis et de mon expérience tous ceux qui sont derrière moi, les femmes vulnérables et les mal partis.

De quoi avez-vous peur ?
De la maladie, de la mort et de perdre les gens que j’aime. Vu d’où je viens, de quoi aurais-je peur ?

Dernier livre lu ?
Sagesse, de Michel Onfray. J’aime bien ce qu’il a écrit sur son père. On n’échappe pas à son enfance. Onfray est un écorché.

Comme vous ?
Je me reconnais dans son rapport nostalgique à l’enfance.

Vous roulez à vélo à Paris ?
J’ai un problème d’équilibre ! Je sais, je ne devrais pas dire ça. En plus, à Paris, le vélo, c’est pratique et écolo, mais dangereux. Je marche beaucoup. C’est ma façon de décompresser.

On vous a peu entendue sur l’écologie…
Plus jeune, j’y voyais un combat de confort. Je sais désormais qu’il y va de notre espèce, qu’on doit préserver l’air, les forêts, les écosystèmes, en finir avec les énergies fossiles. Au Parlement européen, Michèle Rivasi et José Bové, députés EELV, ont fait mon éducation. Et depuis que j’ai un enfant, c’est une préoccupation essentielle.

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