tout comprendre aux enjeux du scrutin, surtout si vous votez pour la première fois

Vous ignorez qui est la maire sortante à Lille ? Qui sont ses adversaires ? Pas de panique, franceinfo résume ce qu’il faut savoir avant de voter dans la cité des Flandres.

C’est une ville dont les résultats seront décortiqués minutieusement au soir du premier tour des municipales, dimanche 15 mars. Lille fait figure de forteresse imprenable pour qui n’est pas socialiste. En cause : la longévité exceptionnelle de Martine Aubry. Celle qui incarne les 35 heures entend repartir pour un quatrième mandat. Ses adversaires misent donc sur l’essoufflement supposé de l’une des dernières grandes figures du socialisme pour espérer l’emporter. Autre inquiétude pour l’ancienne ministre : le PS a quasiment tout perdu en quatre ans dans la région. Alors, Lille tournera-t-elle la page Aubry ? En attendant les résultats, franceinfo vous résume les enjeux des municipales dans la capitale du Nord. 

Qui est la maire en place (et veut-elle rester) ? 

A moins d’être allergique à la politique, vous devez déjà le savoir : c’est Martine Aubry qui préside aux destinées de Lille, et ce depuis 2001. La fille de Jacques Delors est l’héritière de Pierre Mauroy (maire de 1973 à 2001), dont elle fut la première adjointe. En parallèle de ses mandats à Lille, Martine Aubry s’est bâti un destin national. Plusieurs fois ministre, notamment de l’Emploi et de la Solidarité de 1997 à 2000, elle reste connue pour avoir instauré les 35 heures en France.

Martine Aubry devient la première femme patronne du PS, en 2008. Un tremplin pour la présidentielle. Elle perd cependant la primaire socialiste face à François Hollande, trois ans plus tard. Depuis, la dame de Lille s’est réfugiée dans sa ville et prend rarement la parole sur des sujets nationaux.

Contrairement à Anne Hidalgo, la maire socialiste de Paris, dont la candidature à un second mandat n’a jamais été questionnée, la participation à une quatrième élection municipale était loin d’être acquise pour Martine Aubry. En 2014, juste avant les dernières municipales, elle assurait devant les journalistes se lancer dans son “dernier mandat”. Mais, en politique, on le sait : il ne faut jamais dire “dernier”. Faute d’avoir désigné un successeur, Martine Aubry a donc annoncé, le 28 novembre, dans La Voix du Nord, sa candidature à un quatrième mandat : “Il faut tenir la barre, je crois savoir le faire.” 

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Qu’est-ce qu’on retient de son mandat ?

C’était l’une des promesses de son troisième mandat : construire 10 000 logements d’ici 2020, dont 3 000 logements sociaux. Pari plutôt réussi, note 20 Minutes, puisqu’en 2017, 6 566 logements étaient construits ou en cours de construction. En juin 2019, selon un bilan provisoire de la mairie rapporté par La Voix du Nord, 2 784 logements sociaux étaient “réalisés, en cours de réalisation ou au stade du permis de construire”. Concernant les mobilités, Martine Aubry avait promis de mettre en place des zones limitées à 30 km/h : c’est désormais chose faite, sauf sur quelques axes, remarque La Voix du Nord. Le journal rappelle toutefois qu’une “récente enquête de Greenpeace soulignait le ‘retard’ des efforts lillois en matière d’infrastructures vélo”. Justement, l’écologie reste la “priorité tardive du mandat”, assure le quotidien régional. Un exemple : le Champ de Mars, qui devait se transformer en “vaste plaine herbeuse”, reste aujourd’hui “une étendue minérale, en graviers”. 

Outre son bilan, il y a aussi les cartes postales qu’envoie de temps à autre la socialiste. Si Martine Aubry s’exprime rarement sur la politique nationale, elle ne résiste pas à quelques coups de gueule contre Emmanuel Macron et son gouvernement. En novembre 2017, elle critique ainsi la politique “souvent brutale” du président de la République, après une rencontre avec lui, rapporte Le JDD. Elle remet le couvert sept mois plus tard, dénonçant le “mépris de classe” d’Emmanuel Macron qui affirme “qu’on met un pognon de dingue” dans les aides sociales, relate La Voix du Nord. Et de se payer deux ministres devant les caméras, en 2019, furieuse de ne pas avoir été prévenue de leur visite. 

Et l’opposition, qu’est-ce qu’elle en dit ? 

Sans surprise, l’opposition voit dans l’annonce de cette nouvelle candidature le mandat de trop d’une maire à bout de souffle. “Martine Aubry a fait son temps, les gens attendent du renouvellement”, confiait fin novembre à franceinfo la candidate LREM, Violette Spillebout. “Que n’a su faire Martine Aubry en dix-huit ans qu’elle saurait faire avec six années de plus ?”, s’interrogent de leur côté Julien Poix et Elodie Cloez, chefs de file locaux de La France insoumise pour les municipales. Il voient en Lille une “ville bétonnée, socialement fracturée, à plusieurs vitesses”.

“Sur le fond, je constate que cette ville est plus dure, qu’on y vit plus mal qu’avant, juge le candidat LR, Marc-Philippe Daubresse. L’autre priorité, c’est de changer la gouvernance verticale, autoritaire, de madame Aubry, pour la transformer en une gouvernance décentralisée et consensuelle.” Enfin, la tête de liste EELV, Stéphane Baly, dénonce un positionnement sur l’écologie “hyper opportuniste” et une candidature qui ne correspond pas aux “aspirations de renouveau démocratique”. 

Qui veut devenir maire à la place de la maire ?

C’est la petite anecdote de cette campagne lilloise. Chez LREM, c’est Violette Spillebout qui portera les couleurs du mouvement présidentiel. Une candidate que connaît très bien Martine Aubry puisqu’elle n’est autre que son ancienne directrice de cabinet ! Arrivée à la mairie à 24 ans comme chargée de mission en 1997, Violette Spillebout a gravi tous les échelons, devenant l’une des plus proches de Martine Aubry, jusqu’à la rupture en janvier 2014. On la retrouve trois ans plus tard, engagée pour Emmanuel Macron. 

Martine Aubry, alors candidate à la primaire du PS, et Violette Spillebout, sa directrice de cabinet, le 1er juillet 2011 à Lille (Nord).
Martine Aubry, alors candidate à la primaire du PS, et Violette Spillebout, sa directrice de cabinet, le 1er juillet 2011 à Lille (Nord). (FRANCK CRUSIAUX / REA)

Du côté d’EELV, Stéphane Baly, conseiller municipal depuis 2014 en charge des énergies et président du groupe écologiste, portera les espoirs de son parti. Et quels espoirs ! En 2014, EELV avait récolté 11,1% des voix alors que Martine Aubry avait fait 34,9%. Les écologistes, forts de leurs 21,7% à Lille aux européennes, veulent croire que le rapport de forces avec les socialistes sera rééquilibré pour ces municipales.

Les Républicains misent sur Marc-Philippe Daubresse, sénateur du Nord et ex-maire de Lambersart, ville limitrophe de Lille. L’annonce de sa candidature en avril dernier a suscité de nombreux remous dans son propre camp. “C’est le combat de trop pour monsieur Daubresse. Ses chances d’être élu maire de Lille équivalent à mes chances d’être pape”, assurait l’ex-LR Jean-René Lecerf. Le président du conseil départemental du Nord a d’ailleurs déclaré qu’il voterait pour Martine Aubry au second tour. 

Sont également en lice Julien Poix, professeur d’histoire-géographie et candidat de La France insoumise, ainsi qu’Eric Cattelin-Denu, avocat et élu RN sortant. 

En bref, qui propose quoi ?

Cap sur l’écologie pour Martine Aubry. Promettant de “ne pas augmenter les impôts” pendant le futur mandat municipal, l’ancienne ministre de l’Emploi met l’accent sur la “transition écologique”, qui “doit aller de pair avec plus de justice sociale”. Martine Aubry prend également “l’engagement de réduire de 40% les émissions de gaz à effet de serre, d’ici 2030”.

Elle n’est pas la seule à miser sur ce thème. Violette Spillebout, qui se présente sous l’étiquette “Faire respirer Lille”, souhaite étendre la piétonnisation du centre-ville en créant une promenade de 5 km reliant la Citadelle et la friche Saint-Sauveur. La candidate LREM s’engage également à mettre en place la gratuité de la cantine dans les écoles publiques. Sans surprise, l’écologiste Stéphane Baly parie lui aussi sur l’environnement et promet “un espace vert à moins de trois mètres de chez soi”. “Nous débitumerons”, annonce-t-il sur France Bleu. Il veut aussi surtaxer le stationnement des SUV (des véhicules particulièrement polluants) et les interdire en 2025, en même temps que le diesel. 

Marc-Philippe Daubresse (LR) propose, lui, d’augmenter le budget des transports de 30%, d’installer un centre de supervision métropolitain des caméras de surveillance et de consulter les citoyens “avant chaque décision structurante”, détaille La Voix du Nord

Insécurité, insalubrité et cadre de vie : voilà les trois grands axes de campagne du candidat RN. Eric Cattelin-Denu veut notamment “redonner la parole aux quartiers”, selon 20 Minutes.

Qui a ses chances d’être élu ?

On ne va pas se mentir : détrôner Martine Aubry constituerait un petit exploit. Selon une enquête Ipsos-Sopra Steria pour franceinfo, France Bleu et La Voix du Nord publiée mi-décembre, la maire de Lille est créditée de 30% des intentions de vote au premier tour. Elle devance ainsi de 12 points son premier poursuivant Stéphane Baly (EELV), qui rassemble 18% des intentions de vote. Suit son ancienne directrice de cabinet Violette Spillebout (LREM), avec 15% des intentions de vote. Julien Poix (LFI), Marc-Philippe Daubresse (LR) et Eric Cattelin-Denu (RN) sont tous les trois crédités de 11% des intentions de vote.

On le sait, un sondage n’est pas une élection. D’autant que Martine Aubry recule par rapport à 2014 (30% contre 35%). Le jeu des alliances pourrait donc être déterminant. “Violette Spillebout pourrait se rapprocher du candidat LR”, remarque Le Figaro, tandis que Stéphane Baly, en position de force avec ses 18%, rêve de renforcer la traditionnelle alliance avec le PS. “Martine Aubry pourrait être mon adjointe à la culture !”, ironise-t-il. 

Pour la petite histoire… 

Vous vous souvenez de Valérie Petit ? Non ? Cette députée macroniste du Nord avait perdu l’investiture du mouvement présidentiel face à Violette Spillebout, en juillet 2019. Depuis, la parlementaire n’a pas franchement enterré la hache de guerre. Après avoir annoncé qu’elle quittait le groupe LREM à l’Assemblée nationale, tout en lui restant apparentée, cette proche de Gérald Darmanin a annoncé fin janvier qu’elle ralliait la campagne de Marc-Philippe Daubresse. Valérie Petit sera même numéro 2 sur la liste du candidat LR. 

Ce dernier a d’ailleurs affirmé à cette occasion qu’il n’excluait pas une alliance avec Violette Spillebout. Pas franchement du goût de Valérie Petit, qui dit ne pas “partager les méthodes” de la candidate LREM. Un petit jeu politique qui doit bien amuser Martine Aubry.


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