l’exemple de Singapour qui pourrait inspirer la France

La Cité-État a lancé une application baptisée Trace Together, qui permet de reconstituer la chaîne de transmission du virus grâce à la technologie Bluetooth, jugée moins intrusive que la géolocalisation, et qui pourrait inspirer le gouvernement français.

Allons-nous vers un traçage numérique pour faire respecter le confinement ? Cédric O, le secrétaire d’État chargé du numérique, est auditionné jeudi devant la commission des lois à l’Assemblée nationale sur la possibilité de mettre en place un traçage numérique via une application mobile. “Vous saurez qui vous avez croisé dans les jours précédents et qui a depuis été testé positif au coronavirus”, expliquait ainsi sur France Inter le secrétaire d’État jeudi matin. Ces données seront “anonymisées” et inaccessibles pour qui que ce soit, “y compris pour le gouvernement”. La technologie utilisée est celle du Bluetooth, “qui ne permet pas de géolocaliser les personnes“, complète le secrétaire d’État.

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Voilà donc pour les arguments développés par le gouvernement qui dit s’inspirer de l’exemple de Singapour : le 20 mars dernier, la Cité-État a en effet lancé une application baptisée Trace Together, qui permet de reconstituer la chaîne de transmission du virus grâce à une technologie que nous sommes très nombreux à utiliser au quotidien : le Bluetooth, ce système de connexion à courte distance, qui permet par exemple de connecter votre téléphone à une oreillette, une enceinte ou une imprimante. Le Bluetooth permet aussi de connecter des téléphones entre eux et c’est ce sur quoi se sont basées les autorités de Singapour.

Imaginez que dans la rue, les transports ou au travail, le Bluetooth de votre portable repère automatiquement les téléphones qui utilisent la même application à moins de deux mètres de vous, et pendant une demi-heure d’affilée, et qu’il garde en mémoire toutes ces rencontres pendant 21 jours. Si vous êtes détecté positif au coronavirus, un SMS est envoyé à tous ces contacts, sans que votre identité soit révélée et ces personnes que vous avez rencontrées fortuitement sont invitées à se mettre en quarantaine et à effectuer un test. Singapour a donc lancé cette application il y a trois semaines : au 1er avril, il y avait déjà un million de téléchargements, pour une population totale de 5,7 millions d’habitants. Cette façon de reconstituer la chaîne de transmission du virus s’avère nettement plus efficace que les moyens utilisés en France, où tout repose sur la mémoire du malade : qui a-t-il croisé, quand, pendant combien de temps, sur une période de deux à trois semaines.

Selon ses partisans français, le système Bluetooth offre l’avantage d’être moins intrusif que la géolocalisation car le Bluetooth retrace l’historique des relations sociales, mais sans consultation extérieure possible, ni transmission de données. Il sera impossible de savoir qui a contaminé qui, assure-t-on, et le système est compatible avec le droit européen sur les données personnelles. Attention, prévient toutefois la Commission nationale informatique et libertés (Cnil) : ce dispositif doit être mis en œuvre pour une durée limitée et sur la base du volontariat. Ainsi, le fait de refuser ne doit avoir aucune conséquence.

C’est d’ailleurs une des limites de cette application : si peu de gens l’installent, cela ne fonctionne pas. Effectivement, le système suppose que la population télécharge l’application en masse : une étude de l’université britannique d’Oxford estime le seuil d’efficacité à 60% de la population. Or, selon le gouvernement, un Français sur cinq ne possède pas de smartphone équipé d’un capteur Bluetooth et, surtout, il existe une “fracture numérique” dans le pays, notamment chez les personnes âgées, qui sont justement les plus vulnérables face au virus.

Parmi les autres écueils, notons que tout est conditionné à nos capacités en matière de tests, car les personnes contactées par SMS doivent pouvoir être testées immédiatement, même si elles sont asymptomatiques ou légèrement touchées. Faute de tests, la France ne peut envisager l’adoption d’un tel système que dans plusieurs semaines. Enfin, même à Singapour, il n’existe pas de recette miracle : la cité-État était considérée comme un modèle dans la gestion de l’épidémie, notamment grâce à cette fameuse appli mais ces dernières semaines, le nombre de cas a brusquement grimpé et les commerces, restaurants, établissements scolaires sont désormais fermés. Cette seconde vague de contamination est due aux nombreux retours d’Europe et des États-Unis et menace l’ensemble de l’Asie du sud-est.  

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