«Ce seront des Jeux sans saveur»


36e mondial et seul représentant français en simple hommes, le badiste débute ce mardi à Tokyo ses 3es Jeux. Et peut-être derniers dans une ambiance qu’il regrette, mais dont il compte bien s’accommoder pour être performant.

Brice, comment vous sentez-vous au moment de débuter ces Jeux de Tokyo ?
Brice Leverdez : Je me sens très bien, dans ma bulle. Avant de m’envoler pour le Japon, j’ai effectué un excellent stage dans le Jura, qui m’a permis de me déconnecter un peu de la réalité. Du coup, j’aborde ces Jeux parfaitement.

Vous n’avez pas eu de compétition officielle depuis la fin avril et les Championnats d’Europe. Craignez-vous que ce manque de matches puisse jouer contre vous ?
Non, je ne pense pas. Même si ce n’était pas de la compétition, j’ai effectué de nombreux matches face à des joueurs étrangers de très bon niveau. Et puis à 35 ans, je ne manque pas d’expérience de la compétition (sourire). Je pense d’ailleurs que sur les Jeux, si je joue de jeunes joueurs qui découvrent l’univers olympique pour la première fois, mon expérience devrait m’être utile. Je sais ce que je sais, je ressens nettement moins de pression que la première fois que je les ai vécus.

Vous parlez d’une pression moindre. Dans quel état d’esprit abordez-vous ces Jeux, qui seront vos troisièmes après Londres (2012) et Rio (2016) ?
Je les aborde très libéré sur le plan mental. Je reviens d’une blessure qui a été très perturbante pour ma préparation mais je suis heureux d’avoir réussi à maintenir un bon niveau sur le plan physique en attendant qu’elle guérisse, ce qui fait qu’aujourd’hui je suis en pleine forme, frais à la fois mentalement et physiquement. Et puis je sais que cela risque d’être mes derniers Jeux en simple hommes donc je veux profiter vraiment de l’instant présent et prendre du plaisir sur le terrain.

L’ambition est toujours la même, à savoir d’aller le plus loin possible et donc de gagner.

Brice Leverdez

Le report d’un an des Jeux joue-t-il en votre faveur ? Vous sentez-vous plus fort cette année ?
Ni l’un ni l’autre. A la base, j’aurais largement préféré que les Jeux aient lieu l’année dernière mais finalement, ce report a aussi eu du bon. Par exemple, l’an dernier, je n’avais pas programmé de stage en altitude, ce que j’ai fait cette année et physiquement, cela devrait me permettre d’arriver plus en forme que cela aurait été le cas il y a un an. Maintenant, niveau verre à moitié vide, il faut bien reconnaître que l’année écoulée a été délicate à vivre, dans un contexte très pesant. Elle a été ponctuée de blessures, d’entraînements différents, de compétitions en quarantaine horribles… Mais là, vraiment, la phase terminale de ma préparation a été exceptionnelle et je pense que je n’aurais pas fait cela l’année dernière. J’étais dans le rush des tournois et je ne me serais pas organisé de la sorte. Là, j’ai pu faire un break et organiser un truc spécial JO pour arriver dans un état d’esprit relâché et performant sur le court.

Que vous reste-t-il des Jeux olympiques de Rio ?
De Rio il me reste surtout l’expérience humaine, avec un côté très festif et l’accueil formidable des gens là-bas. J’ai profité de ces Jeux comme je n’avais pas su le faire à Londres. Et sur le plan sportif, il y a eu de la frustration, aussi bien à Rio qu’à Londres d’ailleurs. Les deux fois j’ai bien joué mais sans non plus réussir à performer, à jouer à mon meilleur niveau. Les deux fois, j’ai échoué face à la tête de série qui m’était opposée.

Votre carrière a été jalonnée de magnifiques exploits, comme vos succès contre l’ancien numéro 2 mondial Lee Chong Wei, mais aussi de désillusions. Quelle est votre ambition à Tokyo en fonction de cela ?
L’ambition est toujours la même, à savoir d’aller le plus loin possible et donc de gagner. Pour cela, j’ai besoin de prendre du plaisir sur le terrain, de ne pas me mettre une pression inutile. Je suis persuadé que j’en suis capable car j’ai travaillé pour cela. Je suis confiant sur ma capacité à effectuer de très bons matches là-bas.

Le plaisir sera-t-il quand même au rendez-vous sans public dans la salle ?
Oui, car je serais dans ma bulle. Je pourrais me concentrer uniquement sur moi, sur mon propre plaisir, sur ce que je dois faire pour battre mon adversaire. Et puis ce contexte sanitaire, on a eu le temps de s’y habituer. Là, ce sera forcément plus particulier car ce seront des Jeux olympiques, mais qui n’auront d’olympiques que les anneaux qu’il y aura dans la salle. Pour le reste, nous, sportifs, nous serons confinés dans le village. On ne pourra rien faire hormis s’entraîner, manger et dormir. À mes yeux, ce seront des Jeux sans saveur. Maintenant, comme j’ai déjà eu la chance d’en vivre deux, cela aura moins d’impact sur moi que sur un sportif qui vivra ses premiers Jeux dans ce contexte très morose. Je trouve cela vraiment triste et dommage pour eux.

Vous évoquiez la probabilité qu’il s’agisse de vos derniers Jeux, mais vous ne l’affirmez pas de manière catégorique. Est-ce pour ne pas vous imposer une charge émotionnelle supplémentaire ?
Non, pas vraiment. Je n’ai tout simplement pas encore décidé de ce que je voulais faire après. C’est pour cela que je reste dans le conditionnel. Après, que ce soient mes derniers Jeux ou pas, cela ne change pas grand-chose pour moi.

Le fait que ce soit Paris en 2024 vous fait hésiter sur la décision à prendre…
Oui, cela pousse à réfléchir et cela donne une motivation supplémentaire. Mais je me dis aujourd’hui que je me sens bien, et que même si les prochains Jeux étaient dans une autre ville, je pourrais me motiver aussi. J’aime encore énormément jouer au badminton et la question tourne plutôt autour du fait d’évoluer en simple ou de me consacrer au double désormais.

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