Magda Wiet Henin, si maman si


Fille d’une ancienne championne du monde de kick-boxing, la taekwondoïste de 25 ans visera ce lundi à Tokyo le titre olympique. Surtout pour elle, mais aussi un peu pour sa maman.

En sport, comme dans d’autres domaines, il n’est pas toujours aisé d’être le fils ou la fille de. S’appeler Zidane ou Richardson, par exemple, peut ouvrir des portes au départ, mais très vite cet aspect positif disparaît pour laisser place à une pression souvent disproportionnée. Comme si la progéniture devait forcément dépasser le géniteur ou la génitrice. Une question de génétique, sans doute, pour certains. Sauf que le sport n’a jamais été une science, encore moins exacte. Et son histoire est pavée de destins familiaux douloureux. Ce qui, heureusement, n’est pas le cas de Magda Wiet Henin.

Valérie Henin, la référence des rings dans les années 1990

Sa mère, Valérie, a été la référence française des rings durant les années 1990 avec, notamment, ses deux titres mondiaux en kick-boxing (1990 et 1994), mais aussi ceux conquis en full contact (1993) et en boxe anglaise (1996). Avant de finir sur sa carrière dans une autre discipline, le taekwondo, où elle décroche trois titres de championne de France (de 1999 à 2001) et une troisième place européenne en 2000. Difficile de faire mieux, et plus éclectique. Née le 31 août 1995, Magda, elle, n’aura connu que la période taekwondo de sa maman. Et encore, elle était si jeune qu’aujourd’hui, elle confesse ne garder aucun souvenir des combats, et des succès, de Valérie. Pourtant, c’est bien vers ce sport que, quelques années plus tard, elle allait se diriger. «Je me suis sans doute inconsciemment inspirée d’elle, comme beaucoup de petites filles le font vis-à-vis de leurs mamans», confie-t-elle. «Du fait de sa carrière sportive, je me suis moi aussi projeté en voulant devenir une championne.»

Un choix rapidement payant puisqu’elle devient championne de France dans la catégorie des benjamines (10 ans). Néanmoins, forte de son expérience, Valérie prend bien garde à ce que tout n’aille pas trop vite pour son enfant. «J’ai toujours effectué mes propres choix», se souvient-elle. «La seule fois où elle est réellement intervenue, c’est quand je devais intégrer l’équipe de France à 13 ou 14 ans et qu’elle a estimé que c’était un peu trop tôt. Elle préférait que je prenne mon temps pour grandir. À 15 ans, elle m’a dit de foncer car elle me jugeait assez mature pour assumer.» Et là encore, la décision s’avère couronnée de succès lorsqu’à 17 ans, la Nancéienne devient championne du monde junior des moins de 59kg. Avec, déjà, en tête une ambition olympique. A Rio, elle doit cependant se contenter du rôle de remplaçante de Haby Niaré, future médaillée d’argent. Mais elle se sert de cette expérience pour apprendre, et être prête à Tokyo quatre ans plus tard.

Le taekwondo français en quête de son premier or

Quatre années devenues cinq en raison de la pandémie et du report des Jeux, pour lesquels elle a arraché son billet en remportant le tournoi de qualification européen du 7 mai dernier. Une simple étape pour elle, qui vise plus haut. «L’ambition, comme sur chaque épreuve, est d’aller chercher la plus belle médaille. Depuis que je suis toute petite, je rêve d’or olympique. Maintenant, si je n’y arrive pas mais que je monte sur le podium, ce sera déjà une vraie satisfaction. Mais le challenge supplémentaire, c’est de ramener l’or, surtout que ce serait une première pour le taekwondo français.» Une discipline pourvoyeuse de médailles en effet – de Pascal Gentil à Haby Niaré en passant par Myriam Baverel, Gwladys Epangue, Marlène Harnois et Anne-Sophie Graffe – mais jamais du plus beau métal. Médaillée de bronze aux Championnats du monde en 2019, Magda Wiet Henin en a le potentiel. Reste à gérer l’absence de sa mère dans la capitale nippone en raison des restrictions sanitaires.

Aujourd’hui, ma mère, c’est mon pilier, une source de motivation et de réconfort.

Magda Wiet Henin

Une absence qu’elle s’efforce de relativiser. «J’ai une relation très fusionnelle avec ma mère et nous avions prévu qu’elle soit là avec moi. Maintenant, cela ne sera pas possible mais cela ne doit pas remettre en cause toute la qualité du travail que j’ai fourni depuis des années. C’est dommage, mais ce n’est pas grave.» Cela n’enlève rien, en revanche, à l’importance qu’a Valérie dans la carrière de sa fille. «Aujourd’hui, ma mère, c’est mon pilier, une source de motivation et de réconfort. Elle sait s’adapter à mes envies, mes besoins. Quand je ne vais pas bien, elle sait qu’il ne faut pas parler de sport et nous partageons un bon repas à évoquer d’autre sujet. Inversement, parfois, elle sait comment me bouger quand elle estime que je me laisse un peu trop aller. Elle est multitâche.»

Et la jeune femme de poursuivre : «Cela fait environ trois ans que je lui demande de venir avec moi sur les compétitions. Dans ces moments-là, de par son passé de sportive de haut niveau, elle sait comment se comporter, quoi me dire. C’est tout bête aussi mais elle sait comment m’étirer, me masser après un combat. Elle sait utiliser sa propre expérience pour m’aider à performer. C’est agréable. C’est une maman «plus-plus» qui me comprend et qui m’accompagne dans mon projet sportif.» Une présence qui ne vient pas cependant interférer dans son relationnel avec le staff de l’équipe de France : «Elle ne vient sur une compétition que si je lui demande, elle ne s’impose jamais. Le staff comprend mon projet sportif et ma mère sait se faire discrète quand il le faut. C’est l’avantage d’avoir une mère qui a vécu des compétitions de haut niveau. Quand elle me voit entrer en discussion avec mon entraîneur, elle n’intervient jamais. Quand nous parlons de stratégie, elle se met de côté. Elle s’adapte parfaitement et il n’y a eu aucun souci.»

Je m’inspirais d’elle, mais je ne me voyais pas être en compétition avec elle, dans le sens de devoir faire mieux.

Magda Wiet Henin

En préambule, nous évoquions la difficulté, dans de nombreux cas, d’avoir un ou des parents anciens champions. Une problématique que ne comprend pas Magda lorsqu’elle affirme : «On me pose souvent cette question et je trouve cela bizarre, car j’ai l’impression qu’il s’agit d’une compétition un peu malsaine. En tout cas, moi, je l’ai toujours bien vécu. Je m’inspirais d’elle, mais je ne me voyais pas être en compétition avec elle, dans le sens de devoir faire mieux. Ce qu’elle a réalisé lui appartient, et ce que je fais aujourd’hui m’appartient. Je n’ai aucune pression par rapport à ce qu’elle a fait. Le passé, pour moi, c’est le passé et je suis focalisé sur le présent et le futur. D’ailleurs, j’avoue que lorsque j’obtiens une belle médaille, j’ai toujours cette envie qu’elle soit là, qu’elle me voit être performante. J’ai fait beaucoup de sacrifices en partant de chez moi à 15 ans et je veux qu’elle voit que je n’ai pas fait tout cela pour rien. Et elle non plus d’ailleurs, car ma carrière prend une place très importante dans sa vie.» D’où l’intérêt d’y mettre de l’or ce lundi.

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