minée par le dopage, l’haltérophilie joue sa survie olympique


Discipline présente au programme olympique depuis 1896, l’haltérophilie pourrait finir par payer ses frasques en matière de dopage et de corruption.

En quête de crédibilité après une cascade de scandales de dopage et de corruption, l’haltérophilie jouera à partir de samedi, lors des Jeux de Tokyo, son avenir au programme olympique, scrutée comme aucun autre sport par toutes les instances. «La situation devient de plus en plus grave», alertait ainsi fin février le président du Comité international olympique (CIO), Thomas Bach, face au marasme de cette discipline de force déjà pratiquée dans l’Antiquité. Si l’haltérophilie continue d’aligner les dirigeants controversés et les podiums remaniés au rythme des contrôles positifs, le CIO devra «se pencher sur sa place au programme des JO 2024 de Paris et des futurs JO», menaçait le patron de l’organisation.

Une telle éviction serait historique : non seulement l’haltérophilie était présente dès les premiers Jeux de l’ère moderne, à Athènes en 1896, mais le CIO n’a pas sanctionné un sport de cette manière depuis le foot en 1932 et le tennis de 1924 à 1988, pour avoir transgressé la règle alors primordiale de l’amateurisme. Même la boxe, qui cumule depuis plusieurs années dérives financières et arbitrage controversé, a bénéficié d’une solution sur mesure. Le CIO a retiré à la Fédération internationale l’organisation de son propre tournoi olympique, mais maintenu la discipline à Tokyo. Rien ne garantit à l’haltérophilie ce type d’arrangement. Très développée en Europe de l’Est, Asie et Moyen-Orient, elle passionne assez peu partout ailleurs, et offre un net contraste avec les sports jeunes et spectaculaires prisés par le CIO.

La «culture de la corruption»

Même si le tournoi japonais se déroule sans accroc (du 24 juillet au 4 août), l’instance a déjà décidé de réduire les quotas pour Paris 2024, supprimant quatre épreuves et faisant passer les haltérophiles engagés à 120, contre 196 à Tokyo et 260 à Rio 2016. Le déclin était donc amorcé quand une enquête de la chaîne allemande ARD est venue exposer en janvier 2020 la «culture de la corruption» gangrenant la Fédération internationale d’haltérophilie (IWF), pour masquer le recours massif au dopage. Cinq mois plus tard, le juriste canadien Richard McLaren rendait un rapport accablant pour l’IWF et son ex-patron, le Hongrois Tamas Ajan, évoquant la «dissimulation» de 40 contrôles antidopage positifs. Fin octobre, l’Agence mondiale antidopage (AMA) révélait à son tour la tricherie de 18 haltérophiles originaires de six pays, soupçonnés d’avoir fourni de faux échantillons d’urine avec la complicité de «substituts», des sportifs leur ressemblant.

110 cas de dopage rien qu’aux Jeux

Enfin, la jeune Agence de contrôles internationale (ITA), qui a repris en 2019 le programme antidopage de l’IWF sous la pression du CIO, vient de lancer des procédures disciplinaires contre Tamas Ajan, le vice-président roumain Nicolae Vlad et le président de la Fédération européenne, le Turc Hassan Akkus. Car l’haltérophilie ne se distingue pas seulement par sa montagne de cas positifs : 110 aux Jeux, soit plus du quart du total olympique tous sports confondus, entraînant le retrait de 49 médailles, selon un décompte AFP. Impossible de cibler une seule fédération puisque ces prises de stéroïdes anabolisants, favorisant la prise de masse musculaire, concernent 33 pays. Ces dernières années, l’IWF a ainsi dû suspendre la Russie, l’Arménie, l’Azerbaïdjan, le Bélarus, la Chine, la Moldavie, le Kazakhstan, la Turquie et l’Ukraine. Elle a aussi privé des JO de Tokyo la Thaïlande, l’Egypte, la Malaisie et tout récemment la Roumanie.

À cette tricherie endémique s’ajoutent les manigances d’anciens dirigeants. L’ITA démontre des interventions directes pour permettre à la Roumaine Roxana Cocos de décrocher l’argent aux JO 2012 de Londres alors qu’elle était sous le coup d’une double suspension, ou pour couvrir 23 infractions aux règles antidopage parmi les Azerbaïdjanais, et 17 chez les Turcs. Si la démission de Tamas Ajan en avril 2020 a été bien accueillie par les instances, l’IWF a ravivé l’exaspération du CIO en débarquant mi-octobre sa présidente par intérim, l’Américaine Ursula Garza Papandrea, chargée de faire le ménage mais remplacée deux fois en quatre jours. Autant dire qu’à Tokyo, les gendarmes de l’antidopage ne lâcheront guère les haltérophiles. «Certains sports sont considérés comme étant plus à risque que d’autres et, bien entendu, l’accent est mis sur eux (…) L’haltérophilie en fait partie», confirmait récemment à l’AFP Olivier Niggli, le directeur général de l’AMA.

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